17 April, 2024

Nos vêtements seraient-ils toxiques? Franco Seminara pose la question à Laurette Onkelinx.

Dans son rapport intitulé « Les dessous toxiques de la mode » publié le 20 novembre 2012, l’organisation Greenpeace a attiré l’attention sur les composés nuisibles utilisés par l’industrie textile qui, une fois libérés dans l’environnement, se dégradent en substances cancérigènes ou perturbatrices du système hormonal.

Le député Franco Seminara a souhaité interpellé la Ministre de la Santé, Laurette Onkelinx, sur cette problématique.

Voici l’intégralité de la question ci-dessous :

Franco Seminara: Pour cette enquête, inscrite dans le cadre de la grande campagne « Detox » lancée en juillet 2011, les équipes de Greenpeace ont acheté 141 pièces de textiles de différentes grandes enseignes qui sont implantées également dans notre pays. D’après leurs conclusions, la toxicité de certaines substances décelées s’avère particulièrement inquiétante pour les animaux mais aussi pour les êtres humains. En effet, à faible dose, elles perturberaient le système reproducteur et, en grande quantité, affecteraient le fonctionnement du foie et des reins. Greenpeace appelle donc les gouvernements à oeuvrer en faveur d’un objectif « zéro rejet », des corps toxiques dans l’espace d’une génération (entre 20 et 25 ans), de façon à éviter la production, l’utilisation ainsi que l’exposition à ces produits. L’an dernier, grâce à la mobilisation citoyenne, six grandes marques du textile – Puma, Nike, Adidas, H et M, Li Ning et C et A – ont relevé le défi Detox et se sont engagées à travailler avec leurs fournisseurs pour plus de transparence. Cependant, beaucoup de grandes chaînes n’ont toujours pas, à ce jour, de politique de gestion des substances chimiques. 1. Disposons-nous, en Belgique, d’une recherche scientifique sur l’usage nocif des composants chimiques utilisés par l’industrie du textile? 2. Un débat est-il en cours au niveau européen pour encadrer l’utilisation de telles substances dangereuses pour l’environnement et la santé des humains? 3. À ce sujet, notre pays joue-t-il un rôle pour faire de cette problématique une question prioritaire au niveau européen et le mettre à l’agenda?

Laurette Onkelinx: 1. En ce qui concerne les recherches scientifiques visant la protection de l’environnement, nous vous recommandons d’adresser votre question aux autorités régionales, compétentes en cette matière, en particulier en ce qui concerne la pollution des eaux. Par ailleurs, au sein de mon administration, le service compétent pour le règlement REACH (Registration, Evaluation and Restriction of the chemical substances) suit activement les développements scientifiques sur ces matières au niveau européen, en collaboration avec les autres États membres. 2. Au niveau européen, le règlement REACH légifère sur de nombreuses substances chimiques en ce qui concerne leur autorisation dans les textiles. Voici la situation pour ce qui est des substances identifiées (à doses quantifiées) dans l’étude Greenpeace que vous citez: – Le nonylphénol (et le nonylphénolethoxylate) est une substance identifiée comme substance prioritaire dans le cadre de la Directive cadre sur l’eau. Par ailleurs, cette substance ne peut être utilisée pour la production textile que dans le cadre de conditions très strictes, telles que définies dans l’Annexe XVII de REACH. Cette substance a également été soumise par l’Allemagne comme substance extrêmement préoccupante sous le processus autorisation de REACH. De plus, la Suède a notifié l’intention de soumettre un dossier pour limiter la présence de cette substance dans les textiles mis sur le marché à hauteur d’une concentration de 20 mg/kg. – Les phtalates DEHP et BBP sont désormais inclus dans l’annexe XIV de REACH; l’obligation de l’autorisation préalable s’appliquera à partir de 2013 de telle sorte qu’aucune utilisation ni production ne pourra plus s’exercer en dehors de la délivrance d’une autorisation dès 2015. Les autorisations délivrées seront limitées dans le temps et le processus stimule donc le remplacement par des substances ou par des procédés alternatifs. Néanmoins en ce qui concerne la présence de ces substances dans les articles importés en Europe, les substances devront, le cas échéant, faire l’objet d’une procédure de restriction postérieurement. – Les colorants azoïques susceptibles de se diviser en des amines aromatiques cancérogènes font l’objet d’une interdiction sur base de l’Annexe XVII restriction de REACH et sont interdits dans les articles textiles à mesure de leur concentration de détection. En ce qui concerne les substances identifiées comme ‘Substance extrêmement préoccupante’, l’article 33 de REACH impose aux fabricants et distributeurs d’informer le consommateur, à sa demande, de la présence de substances identifiées comme telles dans les articles sur le marché et ce pour toute substance présente à hauteur de 0,1 % dans les articles. À cet égard, je vous informe que la Belgique applique une interprétation très ferme par rapport à cette obligation de droit à l’information du consommateur. Effectivement, selon notre interprétation, un article reste un article jusqu’à sa fin de vie. C’est-à-dire que le bouton en plastique accroché à une veste d’enfant et qui est régulièrement « mâchouillé » par celui-ci est un article à part entière. Le seuil de 0,1 % de substance extrêmement dangereuse s’applique donc tant à la partie en tissu de la veste qu’au bouton, envisagé isolément. De cette manière on peut savoir avec précision la composition dangereuse du bouton. Si l’on considérait la veste dans son ensemble, le poids entier de celle-ci devrait être pris en considération et on n’aurait aucune idée de ce qui se trouverait dans le bouton mis en bouche par l’enfant. Nous soutenons par ailleurs la proposition exprimée par notre confrère suédois lors du dernier Conseil Environnement qui sollicite la Commission à initier une action législative coordonnée pour se saisir de cette problématique et prendre les dispositions réglementaires nécessaires dans les diverses législations régissant les substances chimiques dans les produits et dans l’environnement. 3. Comme indiqué en premier point, le service compétent pour REACH suit activement les développements en cours au niveau européen, dans la mesure des ressources allouées à mon administration. La protection de la santé du consommateur par rapport aux substances chimiques dangereuses présentes dans les articles est une priorité pour leurs actions.