Etat des lieux sur la CCT 90 et les procédures de remise au travail adapté
Le Député fédéral Franco Seminara a interpellé ce jour la Vice-première, Ministre de l’Emploi et de l’Egalité des Chances, Mme Joëlle Milquet, sur les procédures de remise au travail adapté après un accident du travail ainsi que sur les conséquences de la CCT 90, convention qui fixe les modalités suivant lesquelles des primes liées aux résultats sont octroyées aux travailleurs.
Afin de permettre aux accidentés du travail de réintégrer progressivement leur activité professionnelle, les victimes peuvent aujourd’hui bénéficier d’une proposition de mise au travail adapté grâce à l’art.22ter de la Loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail qui prévoit que la proposition soit initiée par l’assureur.
Dans la réalité, on observe aujourd’hui de plus en plus de cas où le travailleur, confronté à un accident de travail, ne sollicite plus l’assureur comme le prévoit la loi car il est encouragé à ne pas déclarer son accident.
Ceci soulève une série de considérations juridiques et médicales. En effet, certaines procédures ne prévoient pas l’intervention du médecin conseil de l’assurance, la concertation avec le médecin du travail et le médecin traitant de la victime. Quant à l’absence de déclaration, la conservation des droits de la victime, en cas de rechute ou d’aggravation, n’est plus garantie.
Il a été demandé à la Ministre si l’élaboration d’un cadre législatif en matière de mise au travail adapté beaucoup plus restrictif que le seul cadre actuel constitué par l’art.22 ter de la loi pourrait à l’avenir voir le jour.
Un des traits marquants de la réglementation est qu’elle autorise les entreprises à octroyer des primes, non seulement en fonction des performances financières du travailleur, mais aussi en fonction du nombre de jours d’absences au travail.
Dans ce cadre, de plus en plus d’entreprises intègrent aujourd’hui dans leur plan des dispositions où les montants sont calculés sur base du nombre de déclarations d’accidents, en ce compris la durée des incapacités de travail, tant en termes d’accidents du travail qu’en maladies de droit commun.
Le Député Franco Seminara a également souligné que ce système risque de conduire à certaines dérives qui ne seront pas sans conséquences pour la santé des travailleurs. En effet, possibilité est donnée aux travailleurs d’échanger la dégradation de leur santé contre l’octroi d’une prime et l’augmentation de leur pouvoir d’achat…
Selon la Ministre de l’Emploi, les objectifs relatifs à la réduction du nombre d’accidents de travail ou des jours perdus en raison d’un accident, ne peuvent être repris dans le plan bonus que lorsque l’employeur respecte les dispositions, pour la période de référence, des articles 10à 12 de l’A.R. du 27 mars 98 sur les politiques relatives au bien-être des travailleurs. Ces articles obligent l’employeur à utiliser un système de gestion de risque dynamique, en consultation avec la ligne hiérarchique et les services de prévention, d’établir un plan de prévention global et un plan d’action annuel pour promouvoir ce bien-être. A noter que les travailleurs y sont également impliqués.
L’employeur doit également prendre en considération les objectifs et actions stipulés dans la CCT n°72 du Conseil National du Travail sur la politique relative à la diminution du stress au travail. Lors de son élaboration, les délégations syndicales doivent être impliquées.
Environ 10 à 15% des plans bonus ont pris un objectif collectif qui a trait à la réduction de l’absentéisme. Souvent, ce n’est qu’un objectif énuméré. Il n’y aurait, toujours selon la Ministre, aucune raison immédiate de supposer que cet objectif soit présenté dans les plans bonus 2010.
Concernant les procédures de remise au travail adapté suite à un accident de travail, il y a lieu de noter que l’article 22ter de la loi du 10 avril 71 sur les accidents du travail, ainsi que les articles 22bis et 23, sont devenus obsolètes car ils nécessitaient des arrêtés d’exécution à prendre avant le 1er septembre 2010 ainsi qu’une confirmation du Parlement. La démission du Gouvernement a rendu la chose impossible. Dès lors, on se base toujours sur l’ancienne version de l’art.23. Il prévoit l’intervention du médecin de travail lorsqu’elle est prescrite par la réglementation relative au bien-être au travail ou si la victime s’estime inapte à reprendre le travail.
Un examen médical de « préreprise » du travail est requis pour les travailleurs soumis à des examens médicaux périodiques lorsqu’ils sont absents pendant plus de 4 semaines.
Il est par ailleurs exact qu’en l’absence de déclaration d’accident, les droits de la victime en cas de rechute ou d’aggravation ne sont plus garantis. C’est pour cette raison que la clarification des conditions dans lesquelles les accidents doivent être déclarés à l’assureur a été inscrite dans la stratégie nationale 2008-2012 et dans le 3e contrat d’administration du Fonds des Accidents du Travail. En principe, l’employeur doit déclarer tout accident de travail, même bénin. Pour de tels accidents pour lesquels des premiers soins suffisent, ils ne semblent pas être toujours déclarés de sorte que le droit des victimes n’est plus garanti. Une nouvelle procédure simplifiée a reçu l’agrément du comité de gestion du Fonds des Accidents de Travail lors de sa dernière réunion. Cette adaptation nécessite la modification de la loi du 10 avril 71 mais aussi de la législation sur le bien-être au travail. Il faudra voir si ces modifications sont possibles en affaires courantes. Cette clarification est le préalable à un contrôle plus efficace des services concernés.
En guise de réplique, le Député fédéral Franco Seminara a insisté sur le fait que les syndicats n’ont de cesse de souligner les effets pervers du système actuel de primes. Un travailleur confronté à un accident ou à une maladie se trouve face à un réel dilemme puisqu’il a la « possibilité » d’échanger la dégradation de sa santé contre l’octroi d’une prime. Que se passe-t-il lorsque cette même personne fait une rechute ? Il n’est pas couvert car il n’avait au préalable rien déclaré.