Débat sur les pratiques non conventionnelles » et Loi Colla: intervention du député Franco Seminara
Lors de la Commission de la Santé publique de ce mercredi 20 mars et de l’échange de vues qui y a eu lieu au sujet des « Pratiques non conventionnelles » et l’exécution de la Loi Colla, Monsieur le député Franco Seminara a prononcé cette intervention qu’il désire vous relayer:
« Je dois avouer qu’en prenant connaissance il y a quelques semaines de la position des doyens d’université, j’ai eu l’impression que la demande, les attentes de la population étaient, tout au moins partiellement, niées.
Je tiens donc à rappeler que c’est souvent dans un esprit de relative défiance vis-à-vis de la médecine traditionnelle que les patients se tournent vers les pratiques qui nous intéressent. D’autant que nier ces pratiques en espérant les voir disparaitre ne me semble pas être un bon calcul. Ce genre d’attitude ne fera que conforter le développement de pratiques privées dans des conditions totalement incontrôlées où, là, les risques de complications, de dérives sectaires seront accrus.
Je crois donc, qu’en prenant l’initiative d’enseigner certaines de ces pratiques dans les universités, en mettant à disposition des patients ces pratiques dans des services hospitaliers, nous pourrons préciser leurs effets, clarifier leurs indications et surtout établir des règles pour leur bonne utilisation.
Cette position, à la fois réaliste et constructive il me semble, est d’ailleurs celle adoptée en France tant par les universités que par l’Académie française de médecine ou encore par les établissements de soins. La plupart des universités françaises ont pris l’initiative d’enseigner certaines de ces pratiques et ont ainsi créé des diplômes universitaires et interuniversitaires. De nombreux établissements de soins ont également fait le choix de prendre en compte ces nouvelles pratiques compte tenu de la demande de leurs patients et du fait que de nombreux soignants ont intégré dans leurs pratiques des actes issus des médecins complémentaires. Ainsi, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a décidé lors de son plan stratégique 2010-2014 d’intégrer ce type de soins dans la pratique traditionnellement dispensée. En 2012, une enquête a été menée auprès des 29 CHU français et sur les 16 établissements répondant, tous ont indiqué avoir des thérapies complémentaires dans leur offre de soins. L’introduction de ces pratiques à l’hôpital est selon moi souhaitable et doit être encouragée. L’hôpital, notamment l’hôpital public doit être considéré comme un lieu d’exemplarité de la pratique, comme un espace ouvert à la recherche. Et ces expériences permettront de contribuer à terme à l’élaboration de bonnes pratiques destinées à tous les intervenants qu’ils soient publics ou privés.
Par ailleurs, je faisais référence à l’Académie française de médecine. Cette institution a remis le 5 mars dernier un rapport sur les Thérapies complémentaires visant l’acupuncture l’hypnose, l’ostéopathie, le tai-chi et leur place parmi les ressources de soins. Et dans ce rapport, les académiciens estiment que ces techniques peuvent rendre certains services en compléments de la thérapeutique à base scientifique de la médecine proprement dite et parmi les recommandations, il est estimé opportun d’introduire dans le programme obligatoire des études de médecine une information sur les thérapies complémentaires, leurs places, limites et dangers. L’académie encourage également l’investissement des équipes hospitalo-universitaires dans la recherche.
Cette attitude me semble être pour le moins la meilleure.
J’appelle donc les concernés, qu’il s’agisse des universités ou des prestataires de soins, à prendre acte de ce qu’il se passe aujourd’hui sur le terrain, d’entendre la demande de la population et d’y répondre de manière réfléchie.
J’ai maintenant quelques questions plus précises :
– L’académie royale de médecine estime que les praticiens concernés devraient avoir suivi une formation diplômante de niveau supérieur reconnue en Belgique et qu’il faut exclure (systématiquement ?) les formations effectuées à l’étranger. Premièrement, si aucune faculté de médecine belge ne décide d’enseigner ces pratiques, personne ne pourra les pratiquer. Tout cela est donc un peu hypocrite. Deuxièmement, comment explique-t-on cette réticence voire méfiance académique belge, attitude nullement partagée par nos voisins ? Comment justifiez-vous le rejet automatique de toutes les formations suivies à l’étranger comme par exemple le DIU en Acupuncture générale délivré en France sous le sceau conjoint des 6 universités suivantes : Université de Bordeaux, de Lyon, de Montpellier– Nîmes, de Nantes de Paris XIII et de Strasbourg ? Cette formation française s’adresse en particulier aux docteurs en Médecine ayant le droit d’exercer.
– Vu la demande croissante des patients, la pratique actuelle et surtout les profils des prestataires connus dont une part importante sont des médecins, kinés, paramédicaux, n’estimez-vous pas opportun d’inclure dans la formation générale de ces prestataires de soins des informations sur ces pratiques non conventionnelles ?
– Ne serait-il pas intéressant de lancer un travail de recensement des thérapies complémentaires dont il est actuellement fait usage dans les hôpitaux et établissements de soins ?
– Exiger un diagnostic préalable de médecins avant envoi vers des praticiens non conventionnels n’est-il pas contraire avec le constat d’absence d’EBM….quels sont les médecins qui vont envoyer vers ces praticiens, quid du serment d’Hippocrate?
– Avez-vous connaissance d’hôpitaux et établissements de soins dans lesquels des pratiques non conventionnelles seraient exercées ? ».