23 November, 2024

Mutilations génitales féminines : aussi une préoccupation du gouvernement belge !

A l’occasion de la Journée Internationale contre les mutilations génitales féminines,  le député Franco Seminara posait une question orale en Commission des Affaires Sociales à madame Joëlle Milquet, ministre de l’Intérieur et de l’Égalité des chances sur « les mutilations génitales féminines ».

En effet, monsieur Seminara a rappelé, qu’à cette occasion, il était important de revenir sur cette réalité qui concerne aussi la Belgique. Cette problématique a d’ailleurs été intégrée dans le nouveau plan d’action national contre les violences 2010-2014.

Pour rappel, on entend par mutilation génitale féminine « toute intervention qui conduit à l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme et/ou toute autre lésion de l’appareil génital féminin pratiquée à des fins non thérapeutiques ». Une étude réalisée par l’Institut de Médecine tropicale en juin 2010 avait identifié sur notre territoire 6 260 femmes probablement excisées et 1 975 fillettes courant le risque de l’être un jour. La Flandre serait la région la plus touchée, suivie de Bruxelles et de la Wallonie. Bien que ces violences particulières à l’égard des femmes soit, depuis 2001, poursuivies par la loi, il semble, selon les associations luttant contre celles·ci, qu’aucun cas d’excision perpétré n’ait encore été recensé sur le sol belge.

Le député Franco Seminara a donc posé les questions suivantes à la Ministre :

Pouvez-vous confirmer qu’aucun cas d’excision perpétré n’a encore été recensé sur le sol belge jusqu’à présent? Comment expliquez-vous le décalage entre ce constat et les chiffres avancés par l’étude de 2010?

Pouvez-vous nous expliquer précisément comment les professionnels (santé, aide à la jeunesse, polices, parquets) qui peuvent être confrontés à cette problématique y sont sensibilisés afin d’améliorer la prévention et la prise en charge des victimes ou potentielles victimes?

Que pensez-vous du fait de disposer, au sein de chaque secteur concerné, de personnes de référence en vue précisément d’améliorer la prévention et les procédures à suivre en cas de signalement?

Pouvez-vous enfin nous faire un point sur les mesures déjà mises en œuvre concernant cette problématique dans le cadre du plan d’action national 2010-2014 et celles qui devront encore l’être?

Dans sa réponse, madame Joëlle Milquet a expliqué que : « depuis mars 2001, l’article 409 du Code pénal incrimine les mutilations génitales féminines. C’est une avancée importante car nous affirmons sans ambiguïté que nous ne tolérons pas ces pratiques. D’après les informations dont nous disposons, il est vrai qu’il n’y a pas eu de condamnation pénale prononcée en Belgique à ce stade, mais cette thématique est prise à bras-le-corps depuis quelques années seulement. Or on sait que des mutilations génitales féminines se pratiquent probablement en Belgique et à l’étranger sur des enfants disposant d’un titre de séjour en Belgique voire de nationalité belge.

La loi se heurte à des difficultés d’application. En effet, il s’agit d’un sujet immensément tabou. Cette problématique touche les membres de la famille ou de la communauté tant de la victime que de l’auteur, il est donc très difficile pour la victime ou les proches de porter les faits devant les autorités policières ou judiciaires. Nous sommes face à un problème important de loi du silence. N’ayant pas nécessairement de politique de proactivité ciblée, qui pourrait parfois être mal perçue pour d’autres types de raisons, la police ou les autorités judiciaires ne peuvent enregistrer que ce qui leur revient. La sensibilisation des acteurs médicaux ou scolaires n’étant pas encore très précise, il n’y a pas d’information donnée aux autorités judiciaires.

Et même s’il y a prise de conscience, la crainte de dénoncer et de risquer une problématique collective existe. Ce type de comportement peut donc poser question, même si la pratique est inacceptable et doit être dénoncée.

Cela dit, il convient d’assurer une prise en charge globale des filles et des femmes et d’améliorer les connaissances et les compétences des professionnels concernés. Ces derniers doivent recevoir les informations susceptibles de leur permettre d’empêcher les mutilations. Je me félicite d’ailleurs de l’initiative prise récemment par le département de la Santé publique et soutenue notamment par ma collègue Laurette Onkelinx. Ainsi, une brochure d’information sur la détection des symptômes adressée à tous les acteurs vient d’être publiée. Elle a été présentée lors de la conférence de presse du GAMS à laquelle je participais. Il s’agit, en réalité, d’un guide d’intervention reprenant une multitude d’informations et de conseils à l’adresse de l’ensemble des professionnels de tous les secteurs susceptibles d’entrer en contact avec des femmes excisées. Cette brochure est une première et participe à la lutte contre la violence faite aux femmes dans le cadre du plan d’action national. Cet aspect est donc devenu un élément clé de ce plan à l’instar du crime d’honneur et du mariage forcé.

Deux études scientifiques importantes ont été relevées: l’étude qualitative sur les motifs de la pratique ou de l’abandon de l’excision sur les femmes résidant en  Belgique et l’étude quantitative de prévalence et d’incidence des mutilations génitales en Belgique de l’université d’Anvers.

Par ailleurs, une brochure relative au secret professionnel a également été largement diffusée. De plus, des formations ont été dispensées au personnel du Commissariat général aux réfugiés et apatrides de Fedasil afin de le sensibiliser à cette pratique courante dans certains pays.

D’autres initiatives sont prévues: enregistrement de faits dans les hôpitaux, évaluation de l’offre de formation initiale et continuée aux futurs professionnels. Nous devons encore intensifier cette politique.

Ainsi que je le disais aux GAMS (Groupe pour l’Abolition des Mutilations sexuelles), ce plan d’action national contre les violences faites aux femmes est un des rares accords obtenus au moment des affaires courantes. À présent que le gouvernement et les responsables sont en place au niveau fédéral, je proposerai une table ronde avec l’institut chargé de l’évaluation afin de connaître les diverses réalisations depuis 2010, ce qu’il reste à faire et la feuille de route par rapport au plan prévu. Comme il s’agit de la Belgique, ce projet rassemblera au moins une dizaine de ministres compétents. Il n’empêche qu’il est important d’agir ainsi ».

Dans sa réplique, le député Franco Seminara a remercié la Ministre pour cet état des lieux et la prise en considération de nos préoccupations,

Ensuite, il revenu sur l’une de ses interrogations, au sujet de laquelle il était fait référence aux chiffres de l’étude.

Il a également rebondi sur une explication de la Ministre lorsqu’elle a parlé de la difficulté pour les gens: sous la contrainte, ils se taisent plus qu’ils ne parlent. A ce propos, Franco Seminara a souligné l’existence de la brochure et a donc dit que les choses avançaient.

Enfin, il a remercié Joëlle Milquet car ce débat fut prioritaire aux moments les plus compliqués de la mise en place de notre gouvernement.

Vous pouvez consulter l’entièreté de l’interpellation en cliquant sur ce lien :http://www.lachambre.be/doc/CCRI/html/53/ic403x.html