L’augmentation de la maladie de Lyme en Belgique: Franco Seminara interpelle la Ministre de la Santé!
Le 20 décembre dernier, le député Franco Seminara posait une question à la Ministre de la Santé sur l’augmentation du nombre de tiques et la maladie de Lyme.
Vous trouverez l’interpellation complète ci-dessous:
Question du député : Il y a un an, je vous interrogeais sur la prolifération du nombre de tiques en Belgique. Aujourd’hui, le monde scientifique craint de nouveau que l’homme soit soumis à une plus forte exposition aux tiques dont certains sont vecteurs de transmission de la maladie de Lyme. Dans notre pays, la fréquence de cette pathologie n’est pas insignifiante puisque 700 nouvelles personnes seraient annuellement infectées. Malheureusement, les tests sanguins effectués lors des diagnostics montrent plusieurs limites. Premièrement, ils ne détectent pas la bactérie, mais bien les anticorps. Or, toutes les personnes contaminées ne produisent pas forcément d’anticorps pendant certaines phases de la maladie. En outre, ces tests ne repèrent que deux à cinq espèces vectrices de la maladie (selon le test employé par le laboratoire) alors qu’au moins six espèces pathogènes sont présentes sur notre territoire. Par ailleurs, contrairement aux pays voisins où sévit la maladie de Lyme, notre pays s’avère victime d’une désinformation et d’une désensibilisation en ce qui concerne le grand public. 1. D’après les recensements effectués, observe-t-on une augmentation du nombre de cas liés à la maladie de Lyme? 2. a) Comment sont réalisés les diagnostics? b) Les tests sanguins réalisés dans ce cadre sont-ils fiables selon vous? 3. Quelles mesures ont été prises jusqu’à présent et le seront à l’avenir afin de sensibiliser la population face à cette problématique?
Réponse de la Ministre:
1. En Belgique, la maladie de Lyme est suivie au travers de deux systèmes de surveillance: – le réseau des laboratoires vigies – et le réseau des médecins vigies. La surveillance de la maladie de Lyme se déroule tant au travers des laboratoires que des médecins car le diagnostic de la maladie de Lyme, s’il peut être confirmé par un test sérologique est avant tout un diagnostic clinique. La surveillance par le réseau des laboratoires vigies est continue. Depuis 1991, une quarantaine de laboratoires répartis sur le territoire national communique à l’Institut scientifique de Santé publique (WIV-ISP) chaque semaine, le nombre de diagnostics sérologiques positifs. Ce réseau nous permet de suivre une tendance. Le nombre de cas positifs est d’environ 1.200 par an. Il ne s’agit pas du nombre exact de cas de maladie de Lyme survenant en Belgique, il s’agit du nombre de cas identifié par tests sérologiques par des laboratoires sentinelles. La stabilité et la représentativité du réseau permettent de conclure à une stabilité du nombre de cas dans le temps. Nombre de cas de diagnostic sérologique positif pour Borrelia spp, par semaine, au cours des années 2005 à 2012, en Belgique. Réseau des laboratoires vigies. WIV-ISP.[GRAPH: 2013201415862-7-1348-fr-nl] Pour capter les cas diagnostiqués sur base clinique, les médecins généralistes participant au réseau des médecins-vigies ont été invités à enregistrer le nombre de cas de morsures de tiques et le nombre d’érythèmes migrants observés chez leurs patients au cours de deux études prospectives réalisées en 2003-2004 et 2008-2009. Sur base de ces chiffres, on peut estimer qu’il y a eu entre 7.360 et 9.270 cas d’érythème migrant en Belgique en 2003 et entre 8.080 et 10.003 cas en 2009. L’analyse statistique confirme que la différence entre les deux périodes n’est pas significative. Il n’y a pas d’augmentation du nombre de cas. Ce type d’étude sera répété. Grâce à ces deux systèmes de surveillance, il est possible d’évaluer que la maladie de Lyme n’est pas en augmentation dans notre pays. 2. Le diagnostic d’une maladie infectieuse repose sur trois éléments: – l’anamnèse, – l’examen clinique – et les examens techniques complémentaires. Pour la maladie de Lyme comme pour tout autre maladie infectieuse, c’est un faisceau d’éléments convergents qui amène le médecin à formuler un diagnostic. Pour la maladie de Lyme, l’anamnèse consiste principalement à rechercher si le patient a été exposé à une morsure de tique ou s’il a le souvenir d’avoir été mordu par une tique. Ensuite, l’examen clinique peut révéler une présentation clinique cutanée caractéristique qui est appelée érythème migrant. Les patients symptomatiques mordus par une tique contaminée par la bactérie se présente dans 60 à 80 % des cas avec une lésion cutanée caractéristique. En présence d’un érythème migrant, il n’est pas nécessaire d’effectuer une analyse de sang pour poser le diagnostic et entamer un traitement. L’indication d’un test diagnostique devrait donc rester limitée à certaines situations douteuses ou suspicion de forme sévère. La première limite à l’analyse de sang est le temps d’apparition des anticorps. Au moment de l’apparition des signes cliniques, les anticorps ne sont pas détectables. Il y a donc lieu de faire deux prises de sang (technique ELISA pour la recherche IgM et IgG) à trois à six semaines d’intervalles et la différence du taux d’anticorps est indicative. En cas de positivité, les laboratoires mettent en route des techniques de confirmation les plus performantes appelées techniques Western blot de troisième génération. Si nécessaire, les laboratoires peuvent faire appel au Centre National de Référence (UCL-KUL), pour le support au diagnostic de la maladie de Lyme et à la confirmation de celui-ci. Depuis 2011, la Belgique dispose en effet d’un réseau de centres nationaux de référence bénéficiant d’un support financier de l’INAMI (arrêté royal du 9 février 2011). En Belgique, les laboratoires suivent les recommandations européennes EUCALB (European Concerted Action on Lyme Borreliosis). Sur le plan de performance des techniques, les laboratoires sont soumis à un programme de contrôle de qualité et à un système d’accréditation belge, lequel est en relation avec le système européen. 3. La maladie de Lyme est la maladie vectorielle, transmise par les tiques, la plus fréquente en Belgique. Bien qu’elle ait été décrite dès le 19e siècle, une attention particulière a été portée à cette maladie lors de la survenue d’une recrudescence d’arthrite chez des enfants, fin des années 1970, aux USA. Lorsque les tests diagnostiques ont été disponibles en Belgique début des années 1990, la surveillance de la maladie au travers du réseau des laboratoires vigies a débuté. Grâce à l’introduction des tests diagnostiques dans la nomenclature INAMI, en 1998, le nombre de tests remboursés est passé de 124.403 en 2007 à 277.805 en 2012, expliquant l’augmentation du nombre de cas observé au début des années 2000, par la surveillance des laboratoires vigies. Dès le début des années 2000, le WIV-ISP a publié des folders d’informations sur les maladies à tiques disponibles sur le site internet (https://www.wiv-isp.be/epidemio/epifr/plabfr/indexly.htm) et les a diffusés sur demande auprès des mouvements de jeune, office du tourisme, etc. L’évolution des maladies vectorielles est complexe car elle est soumise à de nombreux facteurs. On peut citer l’évolution naturelle des agents pathogènes, l’immunité naturelle des hôtes, l’augmentation de la densité de population, les migrations et transports d’animaux et de marchandises, modifications du comportement humain, déclin de la biodiversité, etc. Pour évaluer la situation et entreprendre des actions, les autorités de santé publique se doivent de se baser sur des données épidémiologiques et des résultats de projets de recherches valides. Les autorités sanitaires en Belgique ne peuvent empêcher la circulation d’une information incorrecte ou déformée. Elles sont conscientes du risque que représentent les maladies vectorielles et si les mécanismes de surveillance existent, ils pourraient être étendus en cas de problème de santé publique plus aigu.