Banaliser le vaccin de la polio, c’est encourager sa propagation !
Le Député fédéral Franco Seminara a interpellé hier la vice-première ministre et ministre de la santé publique, Madame Laurette Onkelinx, sur le vaccin antipoliomyélitique.
06.01 Franco Seminara (PS): Monsieur le président, madame la ministre, le tribunal de Tournai a récemment acquitté des parents qui avaient refusé de faire vacciner contre la poliomyélite leur enfant allergique. Pour leur défense ces parents ont argué du fait qu’ils n’avaient pas obtenu toutes les informations nécessaires relatives à la composition dudit vaccin. Le tribunal a estimé que le droit à l’information, droit inscrit dans la loi sur les droits du patient, prévalait sur l’arrêté royal du 26 octobre 1966 qui contraint à cette vaccination. Pour rappel ce vaccin est le seul à être obligatoire en Belgique. Certains craignent que le jugement dudit tribunal fasse jurisprudence.
Aussi, madame la ministre, mes questions sont les suivantes. Le parquet a-t-il déjà fait appel de cette décision? Ce jugement peut-il effectivement mettre en péril la politique actuellement menée en la matière visant à protéger les enfants mais aussi la société dans son ensemble? Le Conseil supérieur de la santé chargé d’établir annuellement le calendrier vaccinal va-t-il se pencher sur la pertinence de maintenir ou non cette obligation vaccinale? Les parents ne devraient-ils pas être mieux informés du contenu exact de ce vaccin? Ne faudrait-il pas davantage informer les parents des risques qu’ils font encourir à leurs enfants et aux autres en refusant ce type de vaccination? Les plaignants arguent que la Belgique et la France sont les seuls pays européens à rendre ce vaccin obligatoire. Dans ces États, d’autres vaccins sont-ils obligatoires?
06.02 Laurette Onkelinx, ministre: Monsieur le président, monsieur Seminara, je tiens d’abord à préciser que nous ne sommes pas partie à la cause dans le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Tournai acquittant des parents ayant refusé de vacciner leur enfant contre la poliomyélite. Mes services ont donc dès lors dû demander une autorisation au parquet pour recevoir la copie de ce jugement, que nous devrions obtenir encore cette semaine. Vous comprendrez dès lors que je ne commente pas ce jugement dont je ne connais ni la portée ni la motivation exacte.
Mes services ont cependant été informés du fait que le ministère public a interjeté appel de la décision du 22 mars. Ce jugement pourrait donc être réformé par la juridiction d’appel.
J’ai demandé à mes services d’examiner la question de la contradiction entre l’arrêté royal du 26 octobre 1966 rendant obligatoire la vaccination antipoliomyélitique et la loi sur le droit des patients de 2002, plus spécialement son article 8. Si nous devions arriver à la conclusion qu’il existe bel et bien une contradiction, il sera alors nécessaire de modifier la législation pour maintenir le caractère obligatoire de cette vaccination.
Il m’apparaît qu’il serait préalablement opportun d’interroger le conseil supérieur de la Santé sur la question de la pertinence de maintenir ou non cette obligation vaccinale, ce que je vais faire incessamment.
En ce qui concerne l’information des parents sur le vaccin, l’article 8 de la loi du 22 août 2002 prévoit précisément que tout individu peut prétendre à cette information via le prestataire de soins, à savoir un médecin. Introduite en Belgique en 1958, la vaccination contre la poliomyélite a été rendue obligatoire par un arrêté royal du 26 octobre 1966. De 1967 à 2000, le vaccin oral vivant atténué a été utilisé. Depuis janvier 2001, le vaccin imposé pour la vaccination obligatoire est le vaccin injectable inactivé renforcé. La composition qualitative complète et la composition quantitative en principes actifs de ce vaccin sont reprises dans la notice qui l’accompagne.
En ce qui concerne les effets indésirables en cas de vaccination contre la poliomyélite, on observe parfois une légère réaction érythémateuse au site d’injection accompagnée d’une fièvre modérée. D’autres effets indésirables ont également été rapportés, mais de manière très rare (inférieurs à 0,01 %):
– réactions locales au site d’injection (œdème pouvant survenir dans les 48 heures et persister un jour ou deux),
– lymphadénopathies (augmentation de la taille des ganglions lymphatiques),
– réactions d’hypersensibilité (allergies),
– chocs anaphylactiques à l’un des composants du vaccin,
– arthralgies (douleurs des articulations) modérées et transitoires et myalgies dans les jours suivant la vaccination,
– convulsions, associées ou non à de la fièvre, dans les jours suivant la vaccination.
– céphalées, paresthésie modérée et transitoire survenant dans les deux semaines suivant la vaccination,
– agitation, somnolence et irritabilité dans les premières heures ou les jours suivant la vaccination et disparaissant rapidement,
– RASH, c’est-à-dire éruption cutanée étendue, urticaire.
Chez les nourrissons, nés grands prématurés, à 28 semaines de grossesse ou moins, des pauses respiratoires peuvent survenir pendant deux à trois jours après la vaccination.
Il faut noter que la vaccination se fait rarement seule, mais en utilisant un vaccin combiné hexavalent (DTCoqPolio+ Hémophilus + Hépatite B).
Outre les effets indésirables très rares liés à ces vaccinations, je tiens à rappeler le bénéfice de cette vaccination. En effet, cette maladie très contagieuse peut avoir de lourdes conséquences sur le développement des enfants qui en sont atteints. Pour rappel, la poliomyélite touche principalement les enfants de moins de cinq ans, une infection sur deux se solde par une paralysie irréversible des jambes, en général. Parmi les enfants paralysés, 5 à 10 % meurent lorsque leurs muscles respiratoires cessent de fonctionner.
Les cas de poliomyélite ont diminué de plus de 99 % depuis 1988, passant de 350 000 à 1 604 cas notifiés en 2009. Cette baisse est le fruit de l’effort mondial d’éradication de cette maladie. Mais tant qu’un seul enfant restera infecté, tous les enfants risqueront de contracter la maladie. En 2009-2010, 23 pays précédemment exempts ont été réinfectés par la poliomyélite en raison d’une importation du virus.
Enfin, seules la Belgique et la France pratiquent actuellement l’obligation vaccinale contre la poliomyélite. En Belgique, il s’agit du seul vaccin obligatoire. En France, les vaccins contre la diphtérie et le tétanos sont également imposés.
Voici la réplique de Monsieur Seminara :
06.03 Franco Seminara (PS): Madame la ministre, avant toute chose, je vous remercie pour le développement, les explications et la ligne du temps vis-à-vis de l’approche de la maladie.
Malheureusement, je suis un peu embêté mais la vie est ce qu’elle est. La vérité a ses droits. Pour ma part, cette maladie est une vieille camarade. Elle me côtoie depuis l’âge de quatre ans, l’année de la distribution du vaccin. Je me souviendrai toujours d’un médecin qui m’a dit « Pas de chance pour toi, la campagne a commencé et tu es parmi les dernières victimes dans notre pays ». Je suis né en 1958; je suis donc un jeune « polio ». Le virus s’est approprié mon corps.
Mais à chaque étape de la vie des victimes de ce virus, il y a évolution de la maladie et de la douleur qui l’accompagne. C’est toute la problématique du syndrome post-polio. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de vous interpeller sur ce sujet. De par ces éléments, je ne peux rester de marbre.
Je ne veux surtout pas assister à une recrudescence du virus en Belgique! Tout comme les trois représentants des associations qui se sont exprimés dans la presse et qui m’ont beaucoup écrit ces jours-ci pour me demander d’être le relais de leurs sentiments.
Il y a trois associations importantes, du Nord du pays, de Bruxelles et de Wallonie, qui se préoccupent de la problématique de la polio et du syndrome post-polio. Elles regroupent environ 10 000 personnes chez nous qui seraient encore victimes de la polio. Cela veut dire ce que cela veut dire. Après autant d’années, il y a quand même toutes ces séquelles.
Si la polio a disparu de notre pays depuis 1979, elle est plus que jamais active sur d’autres continents et s’exprime avec un degré d’intensité inimaginable sur les victimes.
Comme le dit si bien Mme Michelle Dives, présidente de l’Association Post-polio, ce virus est un réel danger et sa banalisation aujourd’hui l’est encore plus.
M. Daniel Peltzer, président de l’Association belge des Paralysés est interviewé également et souligne qu’aujourd’hui le virus s’attaque à l’Afrique, Haïti, à l’Inde, aux jeunes adultes et tue près de 50 % d’entre eux. Les autres restent partiellement ou totalement paralysés. Cette constatation doit être relayée.
Avec la démocratisation des vols long courrier, nous risquons tous de côtoyer ce virus et de le transmettre dans notre pays. D’où la haute importance de la vaccination obligatoire car penser que le virus est éradiqué, penser que ce geste est devenu banal, c’est en quelque sorte encourager sa propagation.
Madame la ministre, je pense qu’il serait important de relayer ce message auprès du grand public et un peu plus encore chaque année. Le 24 octobre, lors de la Journée mondiale de la polio, on pourrait imaginer une action de sensibilisation à ce sujet.