22 March, 2024

Le Groupe PS s’exprime à la Chambre sur le Budget 2013

Voici le texte prononcé et exprimant la position du Groupe Socialiste à la Chambre des Représentants lors de la séance plénière d’aujourd’hui :

« Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les ministres,
Chers collègues,

Ce matin, les titres sont combatifs dans la presse européenne pour annoncer les enjeux du sommet européen qui s’ouvre tout à l’heure : qui va gagner la bataille du budget ? Quels vetos ? De quels pays?

Ces grands titres nous ramènent quelques jours en arrière lorsqu’enfermés au Lambermont, les vices premiers ministres négociaient – lignes par lignes – le budget dont nous débattons aujourd’hui.
C’est à une vraie bataille qu’on a assisté.
Une bataille entre ceux qui voulaient l’austérité et ceux qui voulaient relancer la croissance tout en maintenant le pouvoir d’achat des ménages et notre modèle social,

Partout en Europe – et donc chez nous – après le séisme provoqué par les errements du monde bancaire et financier, on subit une des plus graves crises économiques jamais connue.

Et ce qui est le plus révoltant pour mon groupe, c’est que, pour répondre à cette crise, beaucoup imposent ou essayent d’imposer l’austérité aux populations, en essayent de faire payer la crise à ceux qui n’y sont pour rien.

– ce ne sont pas les « retraités » grecs, anglais ou espagnols qui ont joué à l’économie casino et pourtant, ce sont eux qui doivent travailler plus longtemps ou voir leur pension diminuer ;
– ce ne sont pas les allocataires sociaux allemands ou italiens qui ont spéculé pour avoir un rendement à deux chiffres, mais ce sont ceux-là même qui verront leurs allocations familiales diminuer,
– ce ne sont quand même pas mr et mme tout le monde – en France, en Irlande ou en Espagne – qui pratiquent le short selling avec leurs actions. Pourtant, ce sont ces messieurs et madames tout-le-monde qui payeront plus cher leurs caddies aux supermarchés avec l’augmentation de la tva…

Monsieur le Premier ministre,

Votre gouvernement a pu résister à l’austérité.

Vous nous présentez :
• un budget qui respecte rigueur et pouvoir d’achat,
• un budget qui permet relance et maintien de nos acquis sociaux,
• un budget qui a évité de sanctionner la population et qui recherche plus de justice fiscale.

Ce budget est le fruit d’un double équilibre : l’équilibre entre les 6 partis de la majorité, c’est toujours difficile de marier l’eau et le feu… et l’équilibre entre la recherche de nouvelles recettes et de nouvelles dépenses ;

On peut toujours dénoncer cet équilibre, comme dans tout compromis, on peut y voir le verre à moitié plein ou à moitié vide…

Au nom de mon groupe, je voudrais mettre en avant ce que nous considérons comme de véritables acquis :

On entend des critiques, ici et là, selon lesquelles une enveloppe de 300 à 400 millions d’euros pour la relance économique ne serait qu’une goutte d’eau dans un océan … Il s’agit pourtant, dans le contexte très difficile que nous connaissons, d’un montant inespéré et très appréciable par rapport à ce qui se fait dans d’autres pays européens où les plans d’austérité et les coupes sombres dans les budgets sociaux se succèdent à une cadence … infernale !
Ne pas regarder de l’avant, ne rien faire pour enrayer le déficit de compétitivité, avec son potentiel meurtrier de restructurations et de pertes d’emploi, c’est accepter comme inéluctables les futurs drames sociaux.
S’il est de notre responsabilité la plus absolue de soutenir, pour l’emploi, l’activité économique et la compétitivité de nos entreprises, il nous faut rappeler – encore et toujours – que la compétitivité n’est pas réductible aux seuls facteurs quantitatifs « reflétant des variations de prix et de coûts ». Se concentrer, comme on l’a vu ces dernières semaines, de manière quasi « obsessionnelle » sur les coûts salariaux procède d’une analyse dogmatique et idéologique. La compétitivité c’est aussi l’innovation, c’est la recherche et le développement, c’est la conquête de nouveaux marchés grâce à des produits innovants, c’est investir dans les ressources humaines et la formation des travailleurs, c’est faire preuve de créativité dans une organisation du travail qui consolide et augmente la productivité, c’est redonner confiance à la population en refusant de porter atteinte à son pouvoir d’achat et en refusant de s’inscrire dans une politique de dumping social vis-à-vis de nos partenaires européens.
La résorption progressive, d’ici 2018, de notre écart salarial par rapport à nos trois pays de référence est un gage de stabilité pour l’avenir.
Ce que l’on présente, sans nuance aucune, comme étant un « blocage » ou un gel des salaires est en réalité une modération salariale, exigeante certes, mais je tiens à le rappeler : tant l’indexation que les augmentations barémiques sont maintenues ! mais aussi – et c’était l’une de nos priorités -, les plus bas salaires pourront être relevés !

Un accord interprofessionnel se doit d’être, en premier lieu, un accord de solidarité permettant d’améliorer les conditions de travail et de rémunération des moins bien protégés. Nous espérons dès lors que les partenaires sociaux prendront leurs responsabilités par rapport à des salaires qui, de plus en plus, ne protègent plus de la précarité.

Si le handicap salarial n’est pas une fiction économique, il faut aussi le replacer à sa juste proportion. Lors de chaque négociation interprofessionnelle, depuis des années, notre groupe s’est étonné que pour mesurer un éventuel écart salarial on ne tienne pas compte des subsides fiscaux et parafiscaux sur les salaires. Et ceux-ci sont nombreux. Ils vont des dispenses de rétrocession d’une partie du précompte professionnel aux subventions sur les titres-services en passant par les multiples formes d’activation des allocations de chômage. Nous félicitons le gouvernement d’avoir dès à présent retiré un certain pourcentage de l’écart salarial « brut » en attendant une étude plus affinée de l’impact réel de de ces subsides sur notre coût salarial. De même, nous saluons l’effort budgétaire qui sera consenti pour augmenter le salaire-poche des travailleurs à faibles revenus et pour diminuer les charges patronales en les ciblant là où elles s’avèrent les plus efficaces.

Aujourd’hui, le gouvernement a pris ses responsabilité et a tracé des balises claires d’ici 2018. Pour nous, mettre un terme à un handicap salarial est un « but à atteindre » mais il est hors de question de mettre les partenaires sociaux devant un quelconque « fait accompli » qui mettrait à mal toute la concertation sociale. La loi de 1996 est avant tout du ressort des partenaires sociaux qui l’ont d’ailleurs négociée et il appartient à ceux-ci de prendre, à leur tour, leurs responsabilités par rapport à une nécessaire réforme.

Il faut, nous devons, préserver notre modèle de concertation sociale ; et dans la foulée, j’ajouterai, que vous deviez Monsieur le Premier ministre, préserver notre modèle social ; et je ne doute pas que c’est ce qui a donné à Laurette Onkelinx toute l’énergie nécessaire pour obtenir le maintien d’acquis essentiels.

Je suis rassurée de constater que cette année encore les mesures – nécessaires – d’économies ne toucheront pas les plus faibles d’entre nous. Les patients, les personnes bénéficiant de revenu de remplacement seront épargnés, mieux encore ils seront davantage protégés des effets de la crise économique que notre pays traverse. Et ceci est primordial. Même en ces périodes de difficultés où certains auraient tendance à laisser les moins productifs au bord du chemin, vous avez au contraire la volonté de soutenir ceux qui en ont le plus besoin et ce, notamment, au travers d’une politique de soins de santé responsable mais solidaire. Ainsi, tout en poursuivant l’objectif de présenter un budget responsable dans le domaine des soins de santé où les besoins augmentent de par le vieillissement de la population, le ticket modérateur, lui, n’augmentera. Et ceci est fondamental. Je souhaite également revenir sur l’annonce de la création de pas moins de 800 emplois dans le secteur non-marchand. C’est évidemment une excellente nouvelle tant pour le patient qui sera ainsi mieux pris en charge que pour le personnel soignant qui pourra travailler dans de bien meilleures conditions.

Pour mon groupe, il était essentiel d’aller plus loin dans la mise au pas et dans le contrôle du monde de la finance et des banques. Parce qu’il ne faut jamais oublier qui a provoqué la crise.

Ces derniers mois, jamais nous n’avons vu autant de fermetures d’entreprises avec leur lot de désolation. Ici, personne n’est épargné, ni la Wallonie, ni la Flandre, ni Bruxelles. Dans la tempête, nous nous devons de maintenir le cap et soutenir nos entreprises. Car protéger nos entreprises, c’est aussi et avant tout protéger nos concitoyens ; protéger nos entreprises, c’est un passage obligé pour atténuer tant que faire se peut les effets d’une crise dévastatrice qui plonge tant de nos concitoyens dans des situations dramatiques. La sortie de crise, ne se fera pas sans un soutien massif à l’économie réelle.
Les banques ne pourront plus faire comme si rien n’avait changé… Nous les avons maintenues tête hors de l’eau, nous les avons soutenues à bouts de bras. C’est pourquoi, nous ne tolérerons plus que nos entreprises soient victimes d’une double peine de la part de banquiers largement responsable de la situation. Les banques doivent, à présent, réinvestir leur métier premier c’est-à-dire financer les entreprises et redevenir l’un des moteurs de la croissance. Dans cette optique, la volonté de mobiliser l’épargne par le biais d’un nouvel outil, un « livret de croissance » est, ici, un levier important sur lequel nous pourrons nous appuyer afin de financer des projets ambitieux au bénéfice de la collectivité.
Pour nous socialistes, la justice fiscale, c’est aujourd’hui faire basculer la taxation davantage vers le capital que vers le travail ; et dans ce budget le volet fiscalité comprend d’importantes avancées ;
La Taxation des plus-values des holdings par exemple : Cette taxe qui sera instaurée sur les plus-values sur actions réalisées par les sociétés holdings représente un pas de plus vers un rééquilibrage de notre fiscalité en mettant à contribution les revenus du capital et de la spéculation. Cette disposition prolonge les mesures du précédent budget qui intégrait une taxation sur les plus-values sur actions réalisées dans l’année de leur acquisition.

Par ailleurs, le mécanisme des intérêts notionnels revu pour la seconde fois, à travers une diminution du taux de 3% à 2,7%, ce qui permet de remettre cette disposition à une mesure plus proche de son impact réel pour la compétitivité et la création d’emploi. C’est ce que défend le PS depuis les premiers mesurages de l’impact réel des intérêts notionnels sur la progression de l’économie réelle et de l’emploi.

En matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, cette fois encore, une part du budget en intègre de manière très concrète les résultats attendus. Le gouvernement a fait le choix franc et pragmatique de dire qu’il n’était pas opposé à une nouvelle et ultime régularisation fiscale, si c’est ce qui s’avérait nécessaire dans la négociation pour préserver les belges de mesures dont chacun sait qu’elles nuiraient à la croissance. Plus de 500 millions d’euros, c’est ce que devrait rapporter cette mesure. Nous nous rangeons à cette décision difficile. Ce n’est pas de gaité de cœur ni sans soulever la question d’un encadrement très strict des conditions de ces régularisations et des sanctions qui les assortiront (la pénalité sera de 15 % sur les revenus et de 35 % sur le capital). Les députés y seront attentifs. L’Allemagne, la France, nos voisins européens se trouvent tous face à un dilemme moral en la matière. Ce qui est certain, c’est que cette régularisation dans un contexte mondial où la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale est devenue une priorité, est manifestement une ultime chance laissée à ceux qui trichent et fraudent. Demain, les outils d’échange, la collaboration fiscale, les exigences de transparence qui commencent enfin à apparaître permettront aux états de lutter implacablement contre ces injustices fiscales. Ce gouvernement a d’ailleurs pris des mesures de lutte contre la fraude qui confirment ce mouvement. Avec plus de 200 millions de recettes estimées à travers ce budget à nouveau pour 2013, le Gouvernement nous semble démontrer sa détermination en la matière. Nous avons un travail à prolonger encore pour que la question de régularisation ne se pose définitivement plus.

Monsieur le Premier ministre,
Chers collègues,

Mon groupe vous accordera la confiance demain. Mais, c’est dès cet après-midi que nous remettons toute notre confiance entre vos mains pour résister lors du Conseil européen face à celles et ceux qui n’auront encore qu’un seul mot à la bouche : l’austérité.

Vous l’avez démontré ici : Rigueur budgétaire et croissance ne sont pas incompatibles, que du contraire.

L’Union européenne est confrontée depuis plusieurs années à une crise profonde, encore accentuée par les diktats des marchés qui spéculent sur les faiblesses de son intégration économique et monétaire à la frilosité de certains pour plus d’Europe.

L’Union européenne se trouve à la croisée des chemins et ce dans un contexte lourd de crise bancaire, économique et sociale. Or, l’Union doit faire des choix qui structureront ses politiques socio-économiques pour les années à venir.

J’aimerais souligner ici 3 de ces « choix » avec vous :

– se doter d’un budget ambitieux pour la prochaine période 2014-2020, un budget novateur et surtout marquant un tournant avec notamment l’instauration de la Taxe sur les Transactions Financières.

– développer un véritable Pacte pour la croissance et l’emploi avec des politiques ambitieuses à l’échelle de l’union. Sans remettre en cause nos acquis sociaux ;

– lutter contre le dumping financier et social et réguler enfin le secteur bancaire et financier et ainsi mettre fin au cercle vicieux de la crise que nous connaissons. Le problème bancaire ne peut être totalement réglé au niveau national. Il doit l’être à l’échelle pan-européenne.

Or, le prochain budget européen rassemble, en partie, bien des aspects de ces 3 points.

L’Europe doit tourner le dos à l’austérité… L’Europe doit renouer avec la solidarité ; la croissance passe par la solidarité ; et c’est comme cela que nous pourrons relancer notre continent ».