17 April, 2024

Certains parcs d’attractions discriminent-ils les personnes handicapées? Le député Franco Seminara interpelle!

Hier, en Commission Santé Publique, le député Franco Seminara interrogeait Madame Joëlle Milquet, ministre de l’Intérieur et de l’Égalité des chances sur « le refus d’accès de plusieurs personnes handicapées dans certains parcs d’attractions »:

« Monsieur le président, madame la ministre, en cette fin d’année scolaire, les beaux jours sont des journées très attendues par les étudiants désireux de s’oxygéner et de prendre du bon temps. C’est vous dire la déception qui a envahi une quarantaine de jeunes handicapés mentaux en provenance de Waremme qui se sont récemment vu refuser l’accès à un parc d’attraction réputé de La Panne.

Si une solution a tout de même pu être trouvée avec les responsables du site pour les faire rentrer, cet incident démontre tous les efforts qui doivent encore être accomplis en matière de discrimination et de préjugés vis-à-vis des personnes handicapées. Certains jeunes ont été contraints de porter un brassard rouge, alors que d’autres étaient munis d’un brassard vert afin de satisfaire au règlement de sécurité interne. Comme vous pouvez le comprendre, madame la ministre, ce signe distinctif a été mal vécu par les parents de plusieurs enfants.

En réaction, de nombreuses plaintes ont ainsi été déposées, contraignant les autorités du parc à organiser une réunion avec les parents, enseignants et enfants, en vue de reconnaître les maladresses accomplies. Il en ressort que le motif de la sécurité ne peut toujours servir de prétexte dans ce genre de situations. Les problèmes rencontrés font immanquablement suite à une méconnaissance du handicap, ce qui entraîne, comme dans ce cas-ci, une protection disproportionnée par rapport aux risques réels.

Il convient de prendre sérieusement cette problématique en considération. Aussi, madame la ministre, avez-vous pris connaissance du cas de ces jeunes handicapés mentaux de Waremme qui ont été confrontés à des problèmes d’accès dans le parc de La Panne? Des plaintes ont-elles été introduites à ce sujet au Centre pour l’Égalité des chances? Quelles suites y seront-elles données? »

 

Dans sa réponse, Joëlle Milquet a exprimé ceci : « Monsieur le président, monsieur Seminara, je vous remercie pour votre question. J’ai été mise au courant des faits qui ont touché les jeunes élèves de l’enseignement spécialisé qui avaient choisi d’aller à Plopsa Coo en avril ainsi que l’autre groupe scolaire de l’institut spécialisé de Grivegnée qui a vécu la même mésaventure au Plopsaland de La Panne.

J’ai été assez étonnée du règlement suivi dans ces deux parcs d’attraction à l’encontre des personnes ayant un handicap, même si je comprends que la volonté n’était pas du tout de discriminer mais de protéger.

La loi anti-discrimination du 10 mai 2007 interdit les discriminations directes ou indirectes et stipule que l’absence d’aménagements raisonnables pour les personnes avec un handicap constitue une discrimination.

Il faut donc, avant tout, que les parcs soient adaptés au handicap, de manière raisonnable. Cette approche doit évidemment être conciliée avec celle de la sécurité qui est invoquée par les centres d’attraction.

Cela dit, si la mesure unilatérale du parc peut avoir été jugée disproportionnée, il s’avère que les activités évoquées n’étaient pas interdites aux jeunes enfants. Mais il existe toujours une contrainte de sécurité, contrainte qui ne doit pas être oubliée.

Comme c’est souvent le cas en démocratie, on se retrouve ici face au choc de deux principes: la sécurité de l’enfant et donc la sauvegarde de sa vie et sa protection physique, et le respect de l’égalité de traitement et de la non-discrimination.

Je pense vraiment que la décision a été prise en toute bonne foi, même si c’est peut-être de manière indélicate, sans avoir conscience des répercussions que cela pouvait entraîner. Le règlement a été appliqué avant tout dans le souci d’éviter tout accident et d’assurer la sécurité. Mais cette application a été considérée comme une discrimination.

Une centaine de plaintes ont été déposées au Centre pour l’égalité des chances qui a immédiatement pris contact avec les intéressés. Cette question relève de différentes entités fédérées: le Centre, les Directions pour l’Égalité des Chances de Flandre et de Wallonie, le Tourisme. Tous ont été contactés en vue de participer à une rencontre. Au cours de celle-ci, le groupe Plopsa a exposé sa politique de sécurité des parcs. Le Centre pour l’égalité des chances a, pour sa part, présenté ses réserves quant à la légitimité des distinctions opérées sur base du handicap. Des mesures nécessaires et importantes peuvent sans doute être prises, mais il ne faut pas non plus procéder à une stigmatisation.

Il convient de modifier certaines choses. Se pose ainsi la question de savoir si les arrêtés royaux de 2001 relatifs à l’exploitation et à la sécurité des aires de jeux pourraient faire l’objet d’une adaptation. Une concertation avec le ministre de l’Économie est prévue à ce sujet.

Toujours est-il qu’après la rencontre que j’ai évoquée, les interlocuteurs se sont engagés à réaliser une analyse plus détaillée pour début juillet en vue d’établir une politique d’accueil qui tienne compte tant des impératifs de sécurité que du droit de chacun à profiter du plus grand nombre d’attractions, dans le respect de lui-même et sans être stigmatisé d’une manière ou d’une autre.

Il faut quand même savoir que si ces centres ne prenaient aucune mesure et qu’un accident devait se produire, on ne manquerait pas d’attirer l’attention sur le fait que certaines attractions sont trop dangereuses pour des enfants plus fragiles qui n’ont pas toujours le même type de réaction qu’un enfant dit normal. Je fais d’ailleurs remarquer ici que certaines attractions sont dangereuses pour tous.

 

Je reste donc très nuancée. Il existe effectivement des éléments excessifs qui doivent être bannis, mais les responsables doivent aussi s’assurer que le centre où ils souhaitent se rendre est accessible aux enfants atteints d’un handicap et qu’il est aménagé pour ce faire.

Si des mesures de protection supplémentaires s’avèrent nécessaires – peut-être est-ce le cas pour certains aspects – tout comme le fait d’éviter certaines attractions, ceci doit être appliqué avec tact, avec respect sans stigmatiser un groupe, sans qu’il n’ait à arborer la couleur rouge pour se distinguer de la masse qui porterait du jaune.

C’est la raison pour laquelle ce groupe, avec les deux contraintes, produira sans doute quelque chose de beaucoup plus élégant, même si je ne renonce pas à l’idée de certaines mesures de sécurité complémentaires ».

Monsieur Franco Seminara a ensuite répondu à la Ministre ce qui suit : « Madame la vice-première ministre, je vous remercie pour votre réponse. Je vous sais préoccupée par le sujet. Cependant, le groupe était accompagné d’enseignants à son arrivée dans le parc. Ces derniers avaient l’habitude de s’y rendre. Ils ne l’ont pas découvert pour la première fois. Cela pose la question de la notion d’aménagements raisonnables. Certains enseignants spécialisés disent que des personnes en situation de handicap sont parfois mieux adaptées pour pouvoir profiter d’une attraction dans un parc.

Je rappelle néanmoins que notre pays a ratifié la convention de l’ONU sur la place de la personne en situation de handicap dans la société. L’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme précise que « toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté et de jouir des arts et des bienfaits qui en découlent ».

Il va sans dire que 100 plaintes, ce n’est pas rien! C’est quand même un chiffre conséquent. De nombreuses familles ont été choquées et m’ont interpellé. Cela renvoie aussi une notion importante de la Convention de l’ONU. Kofi Annan disait: « C’est la position juridique de la personne ». Là, il reste un travail fondamental à accomplir en Belgique. Ainsi – il importe de le signaler à la ministre de l’Égalité des Chances – il y a quinze jours dans le Hainaut, une personne en situation de handicap a été agressée, on voulait lui voler son gsm.

J’ai eu l’occasion d’interpeller des personnes qui exercent certaines responsabilités en la matière. En effet, des gestes forts de respect mutuel, de la place de la personne dans la société doivent être posés, parce que chacun de nous a le droit d’être à la bonne place au bon moment dans la société.

Certes, je ne parle pas pour moi – même si vous ne pouvez ignorer mon handicap -, mais pour ces familles qui ont été nombreuses à réagir.

Je me permets de revenir sur l’affaire de Tournai, sur un plan judiciaire, ces gens-là sont un peu plus condamnés.

En Flandre, me semble-t-il, un garçon avait agressé une personne invalide et a été puni de deux ans de prison. Je n’y suis pas nécessairement favorable, mais on ne peut de toute façon pas banaliser un tel acte. Qu’il s’agisse d’invalidité ou de différence sexuelle, il faut rester très prudent et équitable: nous sommes des membres de la société à part entière.

Je ne voudrais pas monopoliser le temps de parole, mais il importe de rappeler que, même si notre pays a beaucoup avancé, je crois qu’on peut encore progresser en ce domaine ».